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Bokassa 1983

3. DERNIÈRES RÉVÉLATIONS

Question : Vos projets immédiats?

Jean-Bedel Bokassa : Actuellement, si je rentre dans mon pays et si je dois chercher un argent quelconque, j’enverrai quelqu’un voir le roi Khaled de l’Arabie Saoudite parce que c’est un ami personnel. Le roi Khaled était lui aussi venu à Berengo passer dix jours avec moi, quand il n’était que prince héritier. Si je reviens dans mon pays, je commence par lui envoyer une délégation puis nous ouvrons des Ambassades. Avec la Libye, je ne veux pas recommencer, jamais plus, ça porte malchance. Je préfère envisager des relations étroites avec le roi Khaled et aussi l’Égypte. J’aime bien l’Égypte et mes ancêtres sont en partie de souche égyptienne (de Nubie) ; j’ai rencontré Nasser et il m’a beaucoup aimé je crois. A l’issue de ma visite, il m’avait offert un des lits des pharaons. Vous voyez que son amitié était très forte. Aujourd’hui, je suis complètement démuni, l’autre ici, il m’a fait un sale coup.
J’ai dit à sa femme : « Il faut me trouver un homme d’affaires » et cela m’a fait rencontrer Bernard Tapie. Ce type-là, c’est un malhonnête homme parce que Bernard Tapie, c’est l’ami de madame
Houphouët. Entre Houphouët et sa femme, c’est complètement artificiel. Houphouët, il vient de se marier avec une jeune fille de 22 ans. Il a versé comme dote 300 millions de francs CFA à la maman de la jeune fille. Les histoires africaines vraiment, c’est quelque chose.
En supposant qu’il est vrai que j’ai commis une faute, mes biens personnels, cela n’a rien à voir avec ça.
1. Je n’ai pas commis de faute.
2. Il s’est précipité pour ramasser mes biens.
Alors, je me demande s’il ne m’a pas déposé pour ramasser mes biens. Et c’est ce que je pense bien. Il connaissait mes biens, il fréquentait ma maison, il dormait chez moi, il a vu ce que j’avais, entre autres des caméras comme ça, j’en avais beaucoup.
Il y a eu le colonel Mazart et l’ambassadeur Picquet, c’est eux qui ont participé au ramassage de tous les biens. Il y a eu à côté de cela un transitaire qui a convoyé les biens au chargement militaire d’Orléans. Or, ce transitaire commençait à parler. C’est venu aux oreilles de Giscard et Giscard l’a fait sauter dans un avion.
Pour l’affaire des diamants de Giscard, j’avais omis de vous donner quelques précisions indispensables :
1. Dès que Giscard m’a fait déposer, il a fait enlever tous les documents qui attestent la sortie des diamants de la taillerie nationale centrafricaine. Je transmettais les ordres de remise des diamants à Giscard par écrit, la taillerie conservait ces documents.
2. Le ministre d’état Jean Amity prenait l’argent que je lui donnais pour aller payer les diamants. La dame qui faisait le va-et-vient en prenant l’argent du ministre, en allant à la taillerie et en remettant les diamants à Bokassa, est une française. Andrée Dimitri, mariée à un Grec dont j’ai oublié le nom. Elle vit à Bangui. Elle a été contactée par les journalistes pour cette affaire de diamants. Elle était prise entre les journalistes et les Giscard mais quand même elle a reconnu. Je remettais l’argent au ministre, le ministre remettait l’argent à Madame Dimitri. Madame Dimitri allait acheter et amenait les diamants au ministre. Je gardais les diamants pour Giscard quand je le voyais. Je lui donnais toujours plusieurs diamants déjà taillés dans des écrins, par exemple 20 écrins. Les plus gros sont seuls dans chaque écrin mais ceux d’un, 2 ou 3 carats, par exemple 3 diamants de 3 carats, sont ensemble dans un écrin de velours.

Q : Giscard a dit que les diamants étaient petits.

JBB : C’est faux. Un gros diamant c’est 40 carats, 36 carats, 30 carats, 26 carats. Comment voulez-vous que j’offre à Giscard ? Depuis quand a-t-on vu ce geste-là ?… Les diamants que j’ai donnés à Giscard pendant 12 ans représentent 2 millions de francs CFA. Il a prétendu que ces 2 millions, il les avait remis à Madame Ruth Rolland (Croix-Rouge Centrafricaine) qui nie les avoir reçus.
Ces diamants, jusqu’à présent Giscard ne les a pas rendus. D’ailleurs je ne les réclame pas, sauf si lui-même ne trouve pas que ce ne sont pas de beaux diamants du moment qu’il ne les a pas vendus, il doit me les restituer. Je me souviens, il m’a offert une montre à quartz, une carabine avec mon nom gravé sur une plaque d’or, une épée de l’Empire qu’il a fait prendre aux musées français… il me l’a dit avant de la prendre, il m’a fait visiter le musée où il y a toutes les épées de Napoléon. À la fin, il a demandé au concierge de m’amener l’épée que Napoléon aimait beaucoup. Il me l’a donnée et maintenant, il l’a reprise. Comment se fait-il qu’il m’ait repris tout ce qu’il m’avait donné ? Pourquoi ? Quand on donne quelque chose à quelqu’un, on ne peut lui reprendre.

Q : Ces diamants, vous parlez de 40 carats, pouvez-vous estimer ce qu’ils représentent ?

JBB : Non, je ne sais pas, je ne l’ai jamais fait. Je donnais. Catherine et moi-même avions une fortune, un bocal acheté à la pharmacie de Bangui, en verre, fermé par un caoutchouc. Quand il a fallu me couronner, nous avons fait appel, le gouvernement et moi-même, à tous les diamantaires de Centrafrique. J’ai vidé le bocal sur la table en leur disant de choisir les diamants nécessaires pour la couronne. Une fois qu’ils ont enlevé quelque chose comme 20 000 pierres pour tous les travaux du couronnement, j’ai remis le reste, 147 000 pierres, dans le bocal qui restait constamment enfermé dans mon coffre-fort. Et quand Giscard était mon ami, je lui ai montré (ce qui était peut-être une erreur), ce qui était considéré comme la fortune de la cour. Giscard a pris, il a pris, Giscard a pris. Giscard me demandait toujours si Catherine était centrafricaine, je répondais : « Oui, c’est une Centrafricaine ».
Mais ce qui me surprend, c’est que cette question de Giscard revenait très souvent. Chaque fois que nous avions contact, il me la posait. Un jour il a fini par placer une femme, Madame Connétable, au service de Catherine, comme conseillère psychologue, et cette femme est restée trois ans avec Catherine, pour la préparer pour Giscard bien sûr. Le vrai nom de Madame Connétable est Denise Millot. Je ne sais pas pourquoi elle s’était donné ce nom qui rappelle l’histoire de France.
Entre juin et juillet 79, le président Mobutu du Zaïre avait fait le transfert de la dépouille mortelle de sa femme de Kinshasa à Badoulité. Puis de Bangui, il avait invité Monsieur et Madame Senghor, Madame Giscard, Madame Tolbert, pas mal de chefs d’état à cette cérémonie ; moi-mème j’étais avec Catherine.
Nous avons vu Anémone Giscard d’Estaing et Giscard m’a téléphoné de l’Élysée me demandant si je pouvais accorder un séjour de 24 heures à sa femme en Centrafrique. J’ai dit : « Bien sûr », il m’a donné comme raison qu’en 1974, quand il a été élu président lors de sa visite officielle, il n’était pas venu avec sa femme et qu’elle aimerait connaitre le Centrafrique. Après la cérémonie de Badoulité, Madame Giscard est arrivée à Bangui. J’ai donné le soir un grand dîner autour duquel tous les ambassadeurs accrédités à Bangui étaient présents. J’ai porté un toast et fait un discours très respectueusement à son endroit. Et le jour de son départ, à 10 heures du matin, elle a été reçue dans la salle du conseil des ministres devant tous les ministres, tous les conseillers. Et j’ai fait amener un plateau garni, orné de diamants, pour saluer Mme Valéry Giscard d’Estaing et la remercier d’avoir accepté de faire ce séjour de 24 heures dans mon pays ; comme un roi, un cadeau royal, je ne pouvais pas m’amuser en donnant quelque chose de petit à Madame Giscard. J’ai reçu Madame Giscard, je lui ai remis les diamants devant tout le conseil des ministres. Mme Giscard est bien partie ; je parle de Mme Giscard mais je n’ai rien avec elle, il faudrait m’en excuser, c’est une femme et je suis très respectueux avec les femmes. Mais je dis simplement que je lui ai donné des diamants. D’ailleurs je crois qu’elle a déjà entendu et elle n’a jamais contesté.
Mais pourquoi Giscard, qui a reçu 1000 fois mes diamants lui, conteste ? 1 000 fois, il ne faut pas exagérer, mais plusieurs fois parce que nous sommes restés amis 12 ans. Ce qui prouve que c’est bien la vérité ; c’est qu’en 74 à son accession au pouvoir, c’est bien à moi, petit Bokassa, ici, que Giscard a consacré sa première visite officielle. Ça, il ne va pas encore dire que c’est faux. Mme Valéry Giscard d’Estaing est restée en France, Giscard me téléphone pour que je lui envoie Catherine puisque Mme V.G.E. vient de passer 24 heures chez moi, ce qui prouvera aux Français et aux Centrafricains que notre amitié est toujours très bonne, qu’il n’y a pas de problème. J’envoie Catherine 2 mois avant qu’il me fasse tomber et Catherine est restée avec lui 2 mois. Quand il a pris Catherine, il lui a demandé ce qu’il fallait faire : me déposer, ne pas me déposer ? Déjà, certains chefs africains, pas tous, jaloux parce que je suis devenu empereur, lui avaient demandé de me déposer. Alors pour le faire, il lui a demandé si elle acceptait qu’il me dépose. Catherine a dit oui. Il a demandé à Catherine : « Est-ce qu’il faut le tuer ou le garder ? » Catherine a dit: « Non, il ne faut pas le tuer parce que c’est le père de mes enfants, mais déposez-le simplement. Il faut le déposer en lieu sûr, sinon il reviendra au pouvoir, je le connais. Il est trop fort ». C’est pour cette raison que Giscard a pris contact avec ici pour que je sois complètement vissé.

Q : Où vivait Catherine ?

JBB : Je ne sais pas où se trouvait Anémone, mais Journiac faisait prendre Catherine carrément pour l’amener à l’Élysée. C’est Catherine qui me l’a dit.
Au début, c’était à l’Élysée mais au bout d’un certain temps, ça s’est passé à Hadricourt chez moi. Quand j’avais annoncé ça au Canard Enchainé, des enquêtes avaient été faites et des habitants d’Hadricourt avaient reconnu qu’effectivement Giscard descendait dans le jardin avec l’hélicoptère. Il a promis un traitement de 50 millions de francs par mois à Catherine. J’ai reçu une femme blonde, plusieurs fois elle est venue me voir. Elle était avec François Giscard d’Estaing tandis que Catherine était avec Giscard. Cette femme est venue me voir 2 ou 3 fois et me l’a confirmé, pour l’argent. Je lui ai demandé si c’était vrai. Elle m’a dit : « Effectivement, c’est vrai. » J’ai demandé : « Mais comment ? Peut-elle le toucher directement en banque ? » La femme m’a dit : « Non. C’est dans un hôtel, ils font le paquet et lui remettent à Paris. C’est une caisse noire, cela ne doit pas sortir du budget de l’état. Ils avaient beaucoup de combines pour avoir de l’argent. Vous connaissez Ali Aziz le Libanais ? Il est à Paris, j’avais des relations avec lui très intimes, très serrées. Il m’appelait « papa », je l’appelais « mon fils », un garçon très bien. Un jour François G.E. est venu me faire une très grande dispute, il m’a demandé de venir lui faire un chèque de 25 millions CFA. Je lui ai dit pourquoi ? Il m’a dit que c’est l’argent qu’Ali leur doit. Eux forment un groupe, ils ont réuni de l’argent et l’ont remis à Ali pour aller acheter des pierres précieuses. Madagascar, Inde, Afrique. Ils devaient les vendre mais Ali, à leur grand étonnement, leur a dit qu’on lui avait volé les valises. Ils lui ont pris un tableau. Ali a remboursé une partie et il restait 25 millions CFA. J’ai dit : « Non. Pourquoi je paierai ? » « Parce que vous êtes son père, vous l’appelez mon fils. » J’ai dit « Non, cette histoire de père et fils ça se dit partout. C’est une marque de respect ». J’ai refusé, il m’a amené une femme avocate de la Défense française. J’ai oublié son nom qui se trouvait dans les papiers qu’ils ont ramassés. Cette femme m’a dit : « Il faut que vous remettiez 25 millions pour votre fils Ali. » Moi j’ai dit : « Non, je l’appelle mon fils, il m’appelle papa, c’est que nous nous aimons. Vous savez qu’il est libanais et que je suis centrafricain. S’il a un problème et qu’il me dit de payer moi je paye pour lui parce que je veux lui rendre service mais ce n’est pas François G.E. qui va me demander de payer 25 millions. Et si Ali ne veut pas que je paye, comment allez-vous faire ?
Je vais appeler Ali, il va venir, vous allez régler avec lui et si Ali me dit : « Papa payez pour moi », je paye mais si c’est seulement François G.E., ce chèque, je ne le remettrai jamais. » J’ai téléphoné, Ali est venu. J’ai mis Ali en face de François G.E. Ils se sont transportés au bureau de l’avocate de la Défense. Ali est revenu avec un sourire jusqu’ici en disant : « Papa, je les ai tous eus parce que je leur ai fait valoir le tableau qu’ils ont enlevé chez moi. Le tableau couvre déjà la somme qu’ils m’avaient donnée pour aller acheter les pierres. Ils sont dans le trafic de pierres, dans le trafic de choses. » Ali est à Paris, publiez ça, les affaires de Giscard. François G.E. m’avait prévenu « vous avez refusé de faire le chèque de 25 millions, vous verrez avec mon cousin, vos relations iront mal ». C’est arrivé. La femme, les biens personnels, les archives, ils ont tout pris. Les archives, j’en avais besoin. J’ai des choses là-dedans. Terrible ! Ma carte de nationalité française, tous mes documents de nationalité.

Q : Normalement tous ces biens devraient être sous séquestre et des preuves administratives devraient exister ?

JBB : Avec les Giscard, le séquestre n’existe pas. Lui c’est un voleur. Giscard, c’est le vrai voleur. Prenez l’histoire des complications, l’histoire des diamants avec le Libanais Ali. J’ai déjà eu un avertissement mais ça n’a pas marché.

Q : Parlez-nous de vos 54 enfants, de vos épouses ?

JBB : Les enfants étaient très gâtés par leur maman lorsqu’ils étaient en bas âge pour une question d’affection, de tendresse. Il y avait toujours du personnel féminin, masculin parce qu’il fallait que je sois libre pour m’occuper de mon pays, parce qu’avec 54 enfants… Il y en avait en France et puis il y en a en Suisse, à Libreville. Mes enfants sont éparpillés un peu partout, d’abord pour des raisons d’études. Et pour des raisons… avoir tous ses enfants chez soi c’est quand on est libéré des activités de l’État. D’ailleurs ce qui témoigne des nombreux enfants, c’est que j’ai construit à Berengo, là où j’habite, une fondation, une colonie qui commence à la maternelle, passe par l’école primaire, se termine par le lycée. La capacité de cette fondation est de 4000 élèves, tout d’abord parce que même habitant le village, j’ai beaucoup d’enfants. Voilà pourquoi j’ai installé ce centre scolaire tout près de la Cour de Berengo. Et le coût total est d’un milliard que j’ai tiré de la terre, parce que j’ai beaucoup de plantations aussi en Centrafrique. J’ai des plantations de café, d’ananas, de riz, j’ai des palmeraies, des plantations d’arachides, des bananeraies. J’ai beaucoup de plantations de manioc. Moi je travaillais pour mon compte privé sans la part de l’Etat. Je ne devais pas oublier que je devais donner l’exemple et ceci c’est comme le président Houphouët le fait.
Il a des plantations, c’est connu du monde entier. Mais figurez-vous que le nombre des ouvriers que j’avais à Bangui, à Berengo et à Berberati, le nombre total d’ouvriers auxquels j’étais mêlé pour travailler ensemble, pour distribuer de l’argent, c’est 4 000. C’est une entreprise. Je dormais très très peu, je m’occupais de mes ouvriers, je me levais très très tôt et dès 8 heures, je prenais l’avion pour aller à Bangui. C’est pour cette raison que j’avais acheté un avion corvette, mais l’avion corvette aussi, c’est saisi. J’ai fourni tous les papiers de cet avion, je l’ai acheté. J’ai été un jour invité du général Mitterrand à Toulouse, le frère du président. C’est Jacques Mitterrand. Ce grand officier français m’a tellement bien reçu, vous ne pouvez pas imaginer. J’ai passé une journée avec lui, non seulement il m’a offert l’apéritif mais ensuite nous avons fait un grand déjeuner avec ma suite et de son côté, des collaborateurs proches. Mais à l’issue du repas il m’a permis de visiter la fabrication de l’Airbus, de Corvette, des hélicoptères Puma. Alors moi j’ai dit au général : « Faites-moi un petit contrat à titre personnel pour l’avion corvette parce que ça me servira pour partir à Bangui. Effectivement l’avion corvette mettait seulement 6 minutes pour faire Berengo-Bangui, 80 km par la route, 60 km à vol d’oiseau. Mais j’avais signé des traités et des traites étaient déposées dans une banque qui était à tout le monde. J’ai ouvert un compte en banque et ma banque payait les traites mois par mois. Mon compte s’appelait « Le Paysan ». J’avais une société agricole qui s’appelait « Le Paysan ». Même l’avion est pris, est saisi.
On a tout pris en Centrafrique, l’avion est pris, les propriétés, tout le monde est tombé dessus. Je suis bon seulement pour payer les impôts. D’ailleurs je ne paye pas puisque je n’ai pas d’argent.
C’est plein plein d’impôts. J’ai dit au gouvernement il n’a qu’à les ramasser puisque je les paye avec quoi ? Mais regardez comment on maltraite un homme. Vos matériels, là vous vous êtes sacrifiés pour les gagner et du jour au lendemain, vous enlevez tout ça, on vous laisse avec un seul costume.

Q : Et qu’est devenu Journiac ?

JBB : Journiac est mort, bien sûr, puisqu’il y a eu une affaire que Giscard avait gardé Catherine (G. a reçu Catherine deux mois avant de me faire tomber). Giscard a dit : « Catherine, je suis embêté pour Bokassa, parce que les chefs d’état m’ont demandé (Houphouët et tout ça), ils m’ont demandé de l’arrêter. Que faire ? Le faire tuer ou non ? Catherine a dit : « Non, arrêtez-le d’accord, mais ne le faites pas tuer, parce qu’il est le père de mes enfants ». C’est comme ça que Giscard ne m’a pas tué, mais Giscard a bien consulté Catherine.

Q : Et Journiac ?

JBB : Non. attendez. Journiac servait pour les rendez-vous avec Giscard. Catherine a plu à Journiac. Puis il l’a utilisée. Journiac était devenu son ami intime et Giscard s’en est rendu compte. Il a su que Journiac lui coupait les pieds. Il envoie Journiac en mission en Afrique Centrale, d’abord à Libreville. Et Journiac prend l’avion de Bongo et va au Cameroun, l’avion a explosé avec Journiac. Il est mort dans l’avion, il est mort dans un accident d’avion, là-bas au Cameroun.

Q : Ça se fait beaucoup les accidents d’avion, hein ?

JBB : Ben oui, mais c’est pour ça, Giscard est très fort hein, il est très, très fort ! Il a tué Journiac.

Q : Pourquoi Giscard et pas Bongo ou Kadhafi ?

JBB : Non non non, ça maintenant, non, il y avait quelqu’un de la famille de Bongo dans l’avion. Non franchement, non, c’est absolument un acte de Giscard. Alors quand Journiac est mort, Catherine a beaucoup pleuré. Moi je l’ai vue, puis elle a porté un deuil qui a duré trois mois. Après ça, quand le père de Catherine a entendu toutes ces choses, il s’est suicidé. Parce que sa fille lui a fait honte. C’est Catherine qui a dit à Giscard que du temps où elle était ma femme, j’avais 17 femmes ; bien sûr j’avais 17 épouses, mais ça c’est une coutume Africaine vous savez. Si vous saviez ce que d’autres chefs d’état Africains ont comme femmes ; ils en ont plus que moi. Moi je suis plus français que tous ceux-là ! Bien oui, ils les cachent ! Moi, je ne cache rien parce que à quoi bon les cacher, parce que quand vous ne le dites pas, si on le sait, on le sait sur votre dos ! C’est vous qui portez les marques de la honte ! Moi, je le dis, parce que ça rentre dans les coutumes africaines, c’est pas moi qui les ai inventées.

Q : Mais justement, n’y a-t-il pas un problème avec la religion catholique dans ce cas-là ?

JBB : Il y a des choses à dire et à ne pas dire !

Q : Et que pensait Foccart de cette action de Giscard ?

JBB : Non, vraiment je vous le jure sur la tête de mes enfants, Giscard m’avait interdit toute amitié avec Foccart, alors moi, ça m’avait fait mal ! Y a des ministres français qui m’ont parlé, qui m’ont dit : « Pourquoi vous obéissez lorsque Giscard vous dit de couper vos amitiés avec Foccart ? » J’ai dit alors : « Écoutez, c’est un piège, je veux voir où cela va finir, parce que Giscard m’a interdit toute amitié avec Foccart » ; effectivement je veux voir ce que Giscard veut faire, mais maintenant, c’est fini. Avec Foccart nous avons repris, mais autrement, Foccart est resté bien tranquille, vraiment effacé.
Lui aussi a souffert, parce que Giscard ne l’aimait pas. Giscard ne pouvait pas sentir Foccart, mais celui-ci a eu une chance inouïe, parce que Giscard, quand il est contre quelqu’un, il est mauvais. Il était contre Boulin, il me l’a dit ; on a retrouvé Boulin noyé dans un lac, mais ce n’est pas vrai. C’est Giscard qui a tué Boulin.

Q : Mais pour quelles raisons? C’est invraisemblable ?

JBB : Non, parce que Boulin est gaulliste. (Giscard n’aime pas les gaullistes).
Giscard disait qu’il lui mettait des bâtons dans les roues, parce qu’il se croyait gaulliste ! Et ce n’est pas possible ! Je crois que Giscard avait une intuition, voir Boulin lorgner le poste de Raymond Barre. Il m’a dit ça ! Il n’aimait pas du tout Boulin, et ce n’est pas étonnant qu’il ait fait tuer Boulin dans son système habituel ! Parce que, comment voulez-vous, un grand ministre comme ça, après on lui a mis des sales histoires sur le dos, l’histoire des propriétés qui était vraiment un simple scandale, pour disqualifier Boulin. Giscard a fait tuer Boulin par ses gorilles, par ses gens ! Comment un ministre comme ça, un homme qui avait une personnalité, comment voulez-vous que cet homme se soit suicidé ? Non ce n’est pas possible. Alors vous comprenez ? Vous savez, si vous voulez, je vais vous dire quelque chose de Giscard… C’est très bien qu’on ait une discussion comme ça, parce qu’après les idées me viennent. Giscard se trouve un jour avec moi, et c’est en 1978, à Berengo. Il vient un jour avant et le troisième jour, c’est son fils Henri qui vient à Bangui, en Centrafrique, sous un faux nom. Ce sont les services africains des contrôles à l’aéroport qui découvrent qu’il a un faux nom, un faux passeport. Au lieu qu’il s’appelle Henri Giscard d’Estaing, il est venu sous le nom de Pierre Adour.

Q : Pourquoi ?

JBB : Je ne sais pas comment la police centrafricaine a fait pour tomber sur la découverte (parce qu’ils l’ont arrêté). Quand ils l’ont arrêté, il a dit : « je suis le fils de Giscard», ils ont dit : « non, vous êtes Pierre Adour », il a dit : « non, c’est un nom conventionnel, mais je suis le fils de Giscard, parce que mon père est avec l’empereur. »

Q : C’était en quelle année ça ?

JBB : 1978. Alors là, maintenant, de l’aéroport, on m’a téléphoné à Berengo. Je prends le téléphone, on m’explique ça ; le commissariat me dit de poser la question à Giscard. Si c’est vrai qu’il a un fils qui s’appelle P. Adour. Giscard dit: « oui », c’est son fils, mais c’est un faux nom, un nom conventionnel qu’il utilise, il s’agit bien de son fils. Alors je dis: « mais monsieur le président ! Comment vous faites des choses comme ça ? Parce que là c’est grave ! Si la police elle fout votre fils en prison, alors quel air j’aurai moi ?! » Je me suis dis : « Pas possible que Giscard il fait une chose pareille ! » et je parle, je veux que votre cassette enregistre vraiment ! Et les enregistrements peuvent être vérifiés.

Q : Que savez-vous de la mort de certaines personnalités politiques ?

JBB : Y a Fontanet et De Broglie. Parce que De Broglie a eu des histoires d’argent avec le père de Giscard, et il l’a fait supprimer ! En tous cas, Giscard a beaucoup assassiné vous savez ! Les histoires sur Bongo en ce qui concerne le métis vietnamien, ce n’est pas Bongo qui l’a tué, ce sont les gens de Giscard ; ce n’est pas Bongo parce qu’il a été tué en France ! Luong n’est pas mort à Libreville, il a été expulsé du Gabon mais Giscard a placé Luong en résidence surveillée ! Même dans un bâtiment de HLM qu’occupait sa mère et sa sœur ; et il y avait deux policiers qui interdisaient Luong de sortir. Ce sont ces gens-là qui ont tué ce pauvre garçon ! Vous n’avez pas suivi l’histoire.

Q : Non, on a très peu parlé de ça en France.

JBB : Mais moi, je connais bien, parce qu’il m’a tout rapporté. Luong était décorateur de bâtiment (il tapissait les murs).

Q : Quelle nationalité ?

JBB : Il était français, son père antillais, sa mère tonkinoise, une vietnamienne… Comme son père était antillais, il a été automatiquement français. Sa mère vit en France, sa sœur aussi.

Q : Qu’est ce qu’il avait fait ?

JBB : Luong était à Libreville, je ne veux pas trop développer ça, parce que j’aime beaucoup Bongo (il était toujours gentil avec moi), c’est le seul quand je frappe à sa porte qui me donne de l’argent, qui me donne un franc, c’est Bongo. C’est Bongo qui m’aide, si j’ai un peu d’argent, c’est grâce à Bongo ! Luong vivait à Libreville. Il a eu des problèmes, il a été expulsé, c’est normal. Mais arrivé en France, Giscard a continué à le faire surveiller… Giscard l’a mis en résidence surveillée avec deux policiers qui le surveillaient 24 h/24 avec interdiction de sortir ! Et puis un soir il est appelé par ces policiers puis ils lui ont tiré dessus devant son bâtiment HLM.

Q : Et l’histoire de Roger Delpey ?

JBB : Giscard voulait tuer Delpey. Il voulait faire passer Delpey à la guillotine ; parce que moi, j’avais expliqué les liens de Catherine et Giscard à Delpey, et quand Catherine est venue me rendre visite, elle a écouté, elle a dit : « Ah bon ? Tu racontes mon histoire à Delpey ? Vous allez voir tous les deux ! » Puis elle est partie à Paris, elle a dit ça à Giscard. Elle a dit ça d’abord à Houphouët pour arrêter Delpey, il a refusé d’arrêter Delpey. Dès que Delpey est arrivé à Paris, crac ! Giscard l’a arrêté, il l’a mis en prison, il a fait sept mois.
Un jour je rencontre Catherine qui voyage à Abidjan, elle m’a dit : « Tel jour, ton R. Delpey, il va passer à la guillotine », alors je dis : « Merde, Catherine, fais pas le con ! Tu sais, c’est pas bien tout ce que tu fais, un jour, ça va sortir sur toi. » Une heure après, Houphouët vient ; le paysan Houphouët, il vient, il dit : « Delpey va passer à la guillotine… Mais comme je suis français, et que bientôt je vais aller en France… » Houphouët, ça l’embête un peu parce qu’il pense que les parents de Delpey vont lui créer beaucoup d’ennuis en France ; alors j’ai dit : « Mais téléphonez à Giscard, faites-le arrêter ! », il me dit: « Giscard est trop têtu, il n’écoutera pas ». Il va essayer, mais vraiment, il craint que Giscard ne l’écoute pas !

Q : Delpey était arrêté pour atteinte à la sûreté de l’État ?

JBB : Oui, mais c’est faux, il n’y a pas d’atteinte à la sûreté de l’État ! C’était mon histoire, mais il a trouvé un motif…
C’est comme quand il a dit que j’ai mangé quelqu’un, c’est pareil ! Lui, il est facile à fabriquer les choses ! Ça c’est un exemple, comment voulez-vous que mon histoire avec Delpey ait rapport avec la sûreté de l’État ? Moi-même je suis français. Enfin, je ne le suis plus, mais je l’étais. Qu’est ce que je peux faire avec la France, et avec quel moyen ?

Q : Comment s’est terminée l’affaire Roger Delpey ?

JBB : Je vous explique : j’ai dit à Houphouët de téléphoner à Giscard, il m’a dit : « Giscard est trop têtu, il va pas m’écouter ». Quand il est parti, j’ai pris le téléphone, j’ai téléphoné au « Canard Enchaîné », d’abord à « Paris Match » qui a refusé (ils ont dit qu’ils ne publieront pas ma déclaration). Alors j’ai téléphoné au « Canard Enchaîné » et dans la nuit même ils ont fait imprimer un journal spécial qui est sorti le lendemain, avec tout ce que je vous ai transmis.
Quand la France a lu ça! Ah ! C’est fini, j’ai sauvé R. Delpey ! Le président Houphouët s’est fâché, « bon maintenant c’est mon tour », parce que j’ai donné des renseignements au journal « Pourquoi ? » J’ai dit : « Il fallait sauver R. Delpey ! » Il m’a dit : « Bon, maintenant on va voir qui va vous sauver… ». Il m’a envoyé à 610 km d’ici, sur la montagne. Je suis resté là-bas 6 mois, vraiment dans des conditions horribles ! J’ai risqué la mort dis-donc ! Je vous dis, je peux pas vous donner des détails, c’est pas la peine ; mais comme j’ai téléphoné au « Canard Enchainé », le président Houphouët m’a puni ! Il m’a puni, j’ai bien payé la punition c’est d’ailleurs pour ça qu’il m’a complètement bloqué ; j’ai quand même sauvé R. Delpey ! Il fallait le faire, c’est un ami, moi je peux pas… Alors ? On doit tuer un ami, et moi je reste les bras croisés ? Non ! Jamais ! Je viens au secours !